mardi 14 septembre 2010

196 !


Est-ce du à mes gènes ou à mon éducation mais je me suis toujours sentie étrange ou hors du monde. J'ai ainsi toujours été très douée en mathématiques. Je ne travaillais pas beaucoup et j'avais d'excellents résultats. Pourtant, je n'ai jamais consenti à m'inscrire en classe préparatoire. On aurait attendu que je fusse ingénieur de haut niveau mais les sciences appliquées m'ont toujours laissée de marbre. C'était sans "trop utile" pour que je daigne m'y investir. J'étais de toute manière trop douée en lettres pour me laisser convaincre de poursuivre une "carrière" aussi prosaïque.

Je n'ai jamais songé à faire carrière. Je suis aussi le produit de mon éducation. Bien qu'elle fut libre, tolérante et pleine d'amour, je fus programmée pour être bonne mère et bonne épouse. J'ai d'ailleurs toujours cru que "partout où il y a un foyer heureux, il y a une femme oublieuse de soi". Mes convictions datent d'avant 1914 : je suis totalement anachronique.

Contrairement à nombre de mes amies, je n'ai jamais songé à faire carrière dans quoi que ce soit bien que je travaille beaucoup. J'ai toujours affiché une désinvolture affable devant tout le monde. Aimable sans en faire trop, avec juste ce qu'il faut de distance, je me suis toujours sentie libérée des obligations auxquelles s'astreignent le commun des mortels. Parfois je me dis que nul n'a l'importance requise pour que je me soucie de son avis. C'est faut bien sur mais aussi vrai. J'ai l'impression que des siècles de certitudes coulent dans mes veines, qui me garantissent l'assurance totale de savoir démêler le vrai du faux et le beau du laid. Ce qui serait inconcevable chez d'autres est généralement toléré quand cela vient de moi. Convaincue de ma valeur, je me permets toutes les excentricités joyeuses. Et pourtant, j'ai dédié ma vie aux autres.

J'ai lu des centaines de livres. Je peux me targuer d'être cultivée et je le dis sans forfanterie. Je maîtrise de nombreux sujets. Beaucoup sont souvent étonnés de distinguer un esprit vif et acéré derrière mon physique de petite blonde diaphane. Et pourtant, de tout cela je ne retiens rien qui vaille la peine. Les livres que j'aurais préférés restent La nuit des temps de Barjavel et Et le désert... d'Andrea H. Japp, deux bluettes un peu mièvres et sucrées mais joliment écrites qui m'ont faite pleurer.

Lorsque je m'amuse à m'analyser, ce que je fais heureusement rarement, je ne réussis jamais à savoir si je ne suis qu'une hystérique commune comme en produit une certaine éducation ou une hypersensible victime de quelque dérèglement biologique. Ma vie n'aura servi à rien. J'ai l'impression d'être une héroïne de roman en prise avec le vaste monde.

Je suis vraiment étrange.

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