jeudi 13 mars 2008

Soixante-treizième message.


C'est la première fois que j'écris si tard. Habituellement, j'ouvre mon Mac le matin ou en début d'après-midi. Je suis réglée comme du papier à musique. Ce soir, ayant fait la tournée de mes blogs favoris, j'ai décidé d'écrire.

C'est amusant cette expression "tournée des blogs". On imaginerait presque que c'est la "tournée des cafés", pour "s'en jeter un dernier" avant de dormir. Dans les faits, je suis une poule, l'animal pas la fille de mauvaise vie. J'aime me coucher tôt et lire très longtemps allongée dans mon lit. J'apprécie encore plus cela depuis que j'ai la jambe dans le plâtre. Je me suis fait livrer plein d'oreillers sur lesquels je pose ma pauvre jambe meurtrie et immobilisée. Plus que jamais, je suis la Dame aux camélias.

Mon lit est l'un de mes endroits préférés. Si j'avais été moins vertueuse, plus "putain" que "maman", je crois que j'aurais pu y gagner ma vie. Déshabillés légers, draps de soie, lumières tamisées, et poses alanguies ne m'auraient pas déplus. Fort heureusement, je suis aussi morale que lascive. Et donc dans un lit, je ne fais que lire. Je surfe aussi parfois bénéficiant de cette extraordinaire progrès qu'est le wi-fi.

Je lisais donc mes blogs favoris. J'ai grandement appréciés cet article et cet autre mais aussi d'autres articles trouvés ici. Sans savoir pourquoi, les deux m'ont touchés. Les deux sont bien rédigés mais ce n'est pas le style qui m'a touchée mais le fond.

Comme je le disais précédemment, je n'ai pas voté pour la première fois de ma vie. Cela semble curieux que je dise cela pour ceux qui me prennent pour une petite blonde stupide. Je ne le suis pas. Je suis sérieuse et je prends les choses au sérieux. Ayant entendu dire que le droit de vote était une grande chance, c'est mue par la culpabilité que depuis que j'ai dix-huit ans, j'allais dévotement voter.

J'ai pourtant dans ma manière d'envisager le monde de fort relents monarchistes. Non, que j'imagine que cela puisse fonctionner, mais que je me serais fort bien vue en petite princesse à laquelle on aurait attribué une liste civile conséquente. J'aurais passé ma vie à lire, à voyager de palaces en palaces, et à acheter des chaussures.

Hélas, dotée des simples pouvoirs que notre droit attribue à une citoyenne, ce n'est pas d'un pouvoir arbitraire dont je jouis mais uniquement de celui de voter. C'est beaucoup moins drôle. Mais soumise naturellement, je ne m'étais pas posé la question et je m'en contentais.

Je sentais pourtant insidieusement que j'étais manipulée. Toutefois, n'étant dotée d'aucune culture politique, je ne me posais pas de questions. J'étais de droite, c'est tout. Année après année, je votais pour un parti dont le logo est bleu et rouge. Parfois, à l'aune d'informations glanées dans les journaux, je me rendais compte qu'on se moquait un peu de moi, mais je restais soumise.

Jamais de ma vie, je n'aurais pu voter à gauche. C'eut été risquer de me faire déshériter voire de me faire enfermer dans un couvent ou une maison de repos. Chez nous, cela ne se fait pas. Je m'apprêtais donc à voter ma vie durant pour ces mêmes personnes quand j'eus la chance de me casser la jambe.

Cette expérience me laissant du temps, j'eus le loisir de surfer et de m'attaquer à la rédaction de ce blog. La petite blonde naïve que je suis, eut tôt fait de découvrir des perles sur cette toile. Et c'est ainsi que ma conscience politique naquit. De liens en liens, je découvris une masse de rédacteurs ne pensant pas comme les journalistes.

J'avais confusément senti qu'au fond de moi sourdait une rébellion. Je la taisais, n'y voyant que le fruit des bouleversements hormonaux mensuels que connaissent toutes les femmes. Le ponstyl ou l'ibuprophène savaient jusque là remédier à cet état.

Toutefois, j'eus bientôt la conviction que mon état pouvait aussi être lié à l'idée sans cesse grandissante que le monde dans lequel je vivais était un leurre. J'eus au cours des semaines passées l'impression évidente qu'on s'était joué de moi, qu'on m'avait bernée.

Passant des textes réactionnaires bien rédigés mais dont les idées m'apparaissaient d'arrière-garde, j'accédais enfin à quelques blogs libéraux, mon préféré restant celui de Laure. Bien que la sécurité sociale ne me passionne pas, j'aime sa liberté de ton et la manière particulière qu'elle a de s'opposer violemment à l'ordre établi.

Je commis alors deux ou trois articles, dans lesquels j'avançais quelques arguments que j'estimais intelligents pour tenter d'expliquer que le libéralisme était mal. Engluée dans des années de conformisme, il m'était difficile d'imaginer que l'on puisse changer. Des commentaires avisés de cette chère Laure me firent comprendre que mon érudition politique laissait à désirer et que je devrais lire un peu plus.

Ayant du temps à tuer, je découvris alors ce site. J'y acquis des connaissances étonnantes. Je découvris que lorsque l'on était lassé de la droite comme de la gauche, on pouvait fuir sans abdiquer ni se réfugier dans un nihilisme stérile.

Après maintes réflexions et quelques lectures, grisée de ce nouveau savoir que je manipule encore avec précautions, je me sentis prête. Et c'est ainsi que dimanche neuf mars deux-mille-huit, tandis que ma famille et tous mes amis accomplissaient leur devoir électoral, je jugeais que j'étais enfin mure pour briser mes chaînes. J'estimais que je ne devais rien d'un point de vue électoral.

Les laissant sous la pluie glacée de ce triste dimanche de fin d'hiver, je restai chez moi à me prélasser. Je n'en conçus aucune honte ni culpabilité bien au contraire. Lorsque l'on me demanda si j'avais voté, je répondis que non. Lorsqu'on me fit de lourds reproches, et que l'on me parla de la démocratie en danger, je répondis que je m'en moquais et que j'avais eu mieux à faire. Lorsque l'on me pressa pour savoir ce qu'il pouvait y avoir de mieux que voter, je répondis que vivre libre était plus intéressant, notamment avec un bon livre dans les mains et un thé. Lorsqu'on leva les yeux au ciel signifiant par là que décidemment je resterai toute ma vie une petite blonde éthérée et passablement idiote, je ne répondis rien. Cela ne me fit ni chaud ni froid.

Je crois que je n'irai plus jamais voter. Passionnée par le dix-neuvième siècle, je me demandais si le dandysme pouvait se vivre au féminin ? Je n'en sais rien. J'étais libre et je ne le savais pas.

En revanche, dussè-je y aller plâtrée, dès que le printemps daignera se montrer, j'irai acheter de nouvelles sandales. Il y a des dépendances que je compte bien garder. Je ne veux pas m'affranchir de tout.

9 commentaires:

Laurence a dit…

Je ne suis pas allée voter non plus au premier tour pour à peu près les mêmes raisons que toi. En plus de cela, j'ai passé le week-end en Ile de France : mon voyage étant prévu de longue date, j'aurais pu faire le nécessaire pour voter par procuration. Mais ne pas voter étant une des rares libertés qu'il nous reste, je n'ai pas bougé le petit doigt et je suis fermement décidée de m'abstenir de nouveau le week-end prochain !

Je te souhaite un bon rétablissement et d'agréables heures de repos, savoure ces moments de liberté ;))

Trists a dit…

Moi je suis aller voter, mais le contenu de mon enveloppe ressemble souvent au contenu des différents programmes...

Qui peut m'expliquer l'intérêt de ce clivage gauche / droite ?

Qu'il roule à bâbord ou à tribord, ça ne fait pas avancer beaucoup le navire...

D'ailleurs quand on réfléchit aux différentes significations du verbe rouler...

monoi a dit…

Vous etes comme les bus de la RATP pour vos billets ! On en attend un pendant des lustres, et 3 arrivent en meme temps !

Je peux comprendre vos motivations, et mes idees sont depuis longtemps du type liberal et libertaire, mais ne pas voter et ne rien faire pour ameliorer les choses sont assez similaires.

J'ai bien conscience que nous ne sommes que des petits rouages sans importance, mais ce n'est pas une raison.

Ceci dit, je n'ai pas vote non plus mais c'est parce que j'habite a Londres depuis fort longtemps...

Ravi de voir que vous n'avez pas abandonne votre blog.

Laure Allibert a dit…

Bravo à la nouvelle rebelle, et bienvenue au club ! Wikiberal est une excellente lecture.

Moi aussi je suis passionnée par le dix-neuvième siècle (romantisme, symbolisme, philosophie allemande, etc).

Anonyme a dit…

Je pense que vous venez de réaliser quelque chose d'important, une chose qui vous a poussé à ne plus participer à ce que j'appel le "cirque grandeur nature".
Vous savez, je me pose souvent la question suivante: "Est-ce que ceux qui n'ont pas réalisé et qui ne réaliseront jamais ne sont pas plus enviables que ceux qui ont eu un déclic similaire au votre?"

philippe psy a dit…

Mon Dieu,

Il était minuit quinze quand vous avez écrit ! Effectivement il était terriblement tard ! Ne recommencez jamais ça !

Pour le reste, merci de m'avoir encore cité. Votre texte est amusant. J'ai fait à peu près la même expérience que vous lorsque j'ai résolu l'opposition droite/gauche en me plaçant au dessus. Ça a un petit côté aristo libertaire qui n'est pas déplaisant.

J'ajoute aussi que vous avez un talent extraordinaire pour vous faire passer pour la petite blonde stupide que vous n'êtes pas.

Anna a dit…

Parfois la seule stratégie de défense que l'on possède est de ne pas se préoccuper du système.

Auparavant, je m'entêtais à imaginer que je pouvais changer quelque chose et j'étais déçue.

Aujourd'hui, je m'en moque. J'ai accédé à un autre niveau de conscience. C'est ainsi que je le définirais.

Et puis, fière de mes connaissances toutes neuves acquises sur wikibéral, je peux aussi parler et convaincre. C'est mince mais c'est ainsi.

Unknown a dit…

Bienvenue dans le monde merveilleux des rebelz. Le plus dur, maintenant, ce sont les discussions de famille. Comme on n'y doit pas parler, de peur de froisser, il faut toujours reprendre trois fois des nouilles. Le libéral amical est condamné à grossir...

Trists a dit…

Juste un petit message pour signaler une faute de frappe qui s'est glissée dans ce lien : http://http//psychotherapeute.blogspot.com/2008/03/gagner-tout-prix.html

J'en profite au passage pour m'excuser de ce tutoiement dans un commentaire précédent... Lire votre blog m'a entrainé vers une certaine familiarité que vous ne partagez sûrement pas.

Me voila rassuré ! Je craignais le pire au sujet de vos pieds suite à certains commentaires mais ils sont adorables ;-). J'attends avec impatience vos autres modèles de sandales !