dimanche 23 mars 2008

Soixante-dix septième message


Bientôt dix-huit heures, la fin de la journée, et je n'ai rien fait du tout. Ce matin, réveillée à dix heures à peine et je n'ai aucune envie de me lever. Si je n'avais pas ce grand plâtre, je me tournerais et me retournerais dans mon lit. Je regarde ma cuisse et je vois que tous mes muscles ont fondu. Je peux glisser ma main dans le plâtre. Alors qu'habituellement, je n'en ai rien à faire, aujourd'hui cela me déprime.

Je me souviens que lorsque petite, je m'étais cassée la jambe au ski, j'avais même été triste qu'on m'ôte le plâtre tellement j'avais été heureuse d'être au centre des attentions. Ce doit être de cette période que datent mes traits hystériques. Il faudrait que j'en parle à mon psychanalyste. Il faudrait avant tout que j'en trouve un. Et puis, de toute manière, je n'ai aucune envie de faire une analyse. Je suis morose.

Je tente de lire un peu à la lueur de ma lampe de chevet. Mes rideaux sont toujours tirés et je ne sais même pas quel temps il fait. Je repose mon livre pour en prendre un second qui me tombe des mains quelques minutes après. Je me remets sur le dos, affalée sur mes oreillers. Je rumine et finis par me rendormir à peine une heure. Je rouvre les yeux et décide d'agir.

Je me lève enfin. Prenant mes béquilles, je vais dans la cuisine me faire un café que je boirai debout comme les chevaux. Mes mains étant prises par les béquilles, il m'est impossible d'emmener quoique ce soit d'une pièce à l'autre. Je me dis que je suis la plus malheureuse du monde et cela me fait du bien. Je pleure même un peu.

Parce que je vous assure qu'il n'est pas dans mes habitudes de me plaindre, je ne le fais jamais. D'un geste rendu souple par la pratique, je pose ma tasse sur la table de ma cuisine. Je m'assieds et entreprends la lecture d'un magazine féminin qui trainait là en écoutant ma radio favorite. Cela ne me satisfait pas. Je m'agace de ces articles idiots. J'en veux à ces journalistes qui nous prennent vraiment pour des crétines.

Je reprends mes béquilles et vais dans mon salon. Je m'affale sans grâce dans le canapé. Finie de jouer les princesses ! A deux pas, une glace posée par terre, me renvoie l'image du dessous de mon plâtre. Il était si joli, si blanc, si doux et le voici usé et effiloché ! Je constate même qu'ayant marché un peu hier, j'ai oublié de nettoyer mes jolis orteils. Ils sont tout noirs dessous. La tristesse m'envahit.

J'ai beau faire attention, à certains moments je les pose par terre et les salis. Il faudrait que je mette une chaussette pour les protéger. Oui, mais si je fais cela, j'aurais trop chaud et puis ce n'est pas joli. C'est déprimant. Pourtant, l'été lorsque j'en ai marre de mes talons, il m'arrive d'ôter mes sandales pour marcher pieds nus et cela ne me dérange pas. Mais aujourd'hui si !

Comble de malchance, cela me gratte ! Oui, c'est ainsi, même si ce n'est pas très glamour, parfois sous le plâtre ça gratte ! Je saisis donc une lime à ongles en carton qui traîne et profitant de ma solitude, je la glisse sous mon plâtre, sur la plante de mon peton plâtré. Enfin, quelques secondes de bonheur éperdu jusqu'à ce que cette maudite lime se casse net. Je me crois damnée.

Je tente de la récupérer mais c'est impossible. Maudissant ce jour funeste, je me rue dans la salle de bain pour chercher deux petits bâtonnets de buis. Je retourne à mon canapé pour m'y affaler. Me pliant en deux, au risque de me faire mal, je tente, un bâtonnet dans chaque main de récupérer le bout de lime à ongles. J'y parviens plusieurs minutes après. C'en est trop. Je décide d'aller me préparer.

Quarante minutes après, je suis prête, qui dit mieux ? Mais prête à quoi puisque la journée s'annonce maussade ? Je décide pourtant de sortir. Il est quatorze heures mais je trouverai bien où déjeuner. Je n'ai pas envie d'aller dans ma brasserie favorite. Je choisirais bien un endroit plus calme. Oh et puis non, je vais y aller. Je prends l'ascenseur qui met du temps.

Je fais cent mètres et m'aperçois que j'ai oublié de prendre un livre. Qu'à cela ne tienne, je vais acheter un magazine au prochain kiosque. Il y en a tant que je ne sais lequel choisir. J'hésite et le kiosquier me demande si je cherche quelque chose en particulier. Je lui réponds que non, je ne cherche rien de particulier. Je trouve enfin quelque chose qui m'intéreresse. Je paye et repars.

J'aperçois la place au bout de l'avenue. Moi si habile en béquilles, aujourd'hui tout cela me semble loin. Je ne sais pas si j'ai vraiment envie d'y aller. J'avise un banc sur la contre-allée et m'y assieds pour réfléchir. Je sors mon magazine et allume une cigarette. Je reste dix minutes mais il fait frais. Je n'ai plus envie d'aller déjeuner. Je rentre chez moi.

Arrivée dans mon appartement, j'ôte mon manteau et ma chaussure et repars m'affaler dans le canapé. J'ai beau clamer que je ne possède pas de télé, je saisis tout de même la télécommande pour zapper sur la centaine de chaines que me propose sur mon bel écran plat. Je reste de quelques secondes à quelques minutes pour revenir sur un téléfilm larmoyant sur M6. C'est sans intérêt mais cela m'hypnotise.

Je passe la journée ainsi. A deux reprises je suis dérangée par le téléphone. On me demande si ça va et je réponds que oui. Prétextant du travail, je ne m'éternise pas et raccroche pour retourner à mon écran plat. Je pourrais écrire un article sur mon blog mais je n'en ai pas envie. Je n'ai envie de rien.

Tiens, il est presque dix-huit heures. Vivement ce soir que je me couche. Tous les mois, c'est pareil.

3 commentaires:

Unknown a dit…

Si vous deviez à nouveau vous ennuyer ainsi, je veux bien aller boire un verre avec vous.

Anonyme a dit…

Ha !
Ca fait plaisir d'avoir de vos nouvelles ainsi que vos jolies peutons !
Vous seriez moins mausade si vous etiez marié !
Cordialement !

Anonyme a dit…

Bon,
Je suppose que je vous ai facher en vous signifiant que mariée, vous ne souffririez pas de cette maussade oisivetée !
Ne soyez pas fachée, je n'essaiyais que de me caser !
: )