samedi 16 février 2008

Cinquante-cinquième message.


Allez encore un simple point pour ponctuer le titre de ce message. Je vous en avais parlé, vous allez le lire. J'avais expliqué voici peu que j'étais allée visiter Second Life dont tout le monde parle.

Comme je l'avais dit, j'avais connu cette contrée étrange à l'époque des élections présidentielles. Chacun des grands partis avait en effet décidé d'ouvrir un bureau dans ce monde virtuel. Je trouvais cette initiative assez stupide. Je l'avais ressentie comme la mise en oeuvre d'efforts désespérés pour coller à la modernité.

Pour ma part, je pense que si j'avais été à la tête d'un parti, je ne me serais pas risquée à pareille pitrerie. L'idée d'aller implanter un bureau dans un monde virtuel me serait apparue comme totalement incongrue voire stupide.

Très peu douée en informatique et totalement allergique à tout effort en ce domaine, j'ai d'abord téléchargé le programme nécessaire pour me rendre sur SL. Entre initiés, on dit SL, il n'y a que les noobies pour parler de Second Life. Le noobie, c'est à dire le newbie, est l'individu qui se rend pour la première fois sur SL.

Dans les faits, j'avais téléchargé ce programme voici déjà plusieurs mois. Je m'étais connectée, n'avais pas compris grand chose et étais partie. Il aura fallu toute l'aide et la gentillesse de Laurence (que je remercie au passage) pour que mon avatar soit créé et que je puisse faire mes premiers pas sur SL.

Je rappelle qu'un avatar est la représentation de l'utilisateur. SL est suffisamment bien fait pour que l'avatar vous ressemble. Comme je l'expliquais précédemment, le mien me ressemble à peu près. Petite, blonde, menue et juchée sur des talons aiguille, me voici la même sur Gaïa que dans la vraie vie, même si j'y suis sans doute vêtue un peu plus court. Mais je n'ai pas eu le temps ni l'envie de faire trop d'emplettes.

Accompagnée de Laurence, j'ai effectué mes quelques premières visites. Puis, je fus lâchée en solo. J'y suis donc allée plusieurs fois pour tenter de comprendre ce qui attirait les gens là-bas. Mais peut-être et surtout pour deviner en quoi ce monde virtuel était autant à la mode.

J'ai trouvé le graphisme assez laid, même si certains endroits sont plus jolis que d'autres. C'est vrai que certains graphistes ont réussi à optimiser les ressources de telle manière que leurs créations sont plus que plaisantes.

Toutefois, lassée de me promener dans des endroits déserts -parce que SL est un monde mort - je suis vite retournée sur Gaïa, le lieu où se retrouve les français. Gaïa est un endroit abominablement laid. Quelques placettes pour se retrouver, entourées de friches et de bâtiments publics. On se croirait dans une ville communiste de province.


Et puis, j'ai été surprise de constater que même dans un monde virtuel, mes compatriotes ne perdaient jamais leur médiocrité. Ne sont-ils capables de génie que sous un régime monarchique ? C'est à se demander.

Gaïa, c'est l'Empire du Bien si cher au regretté Philippe Muray, transposé dans un monde virtuel pixellisé. Sur Gaïa, on a peu de droits mais beaucoup de devoirs. Sur Gaïa, des flics de la pensée traque les paroles interdites. Ces flics s'appellent des mentors. Certains sont sympas tandis que d'autres, véritables petits flics de la pensée traquent les paroles qui s'éloignent de la doxa socialiste.

Ainsi, un soir pour les tester, je m'étais amusée à crier "Vive Nicolas Sarkozy". Je fus aussitôt rappellée à l'ordre. On m'expliqua qu'il était interdit de parler de politique. Alors que j'arguais avoir entendu des gens de gauche s'exprimer librement, on m'expliqua que si je persistais, je serais bannie.

Sur Gaïa on ne vous condamne pas à mort mais simplement au bannissement, c'est à dire à errer dans le monde mort de SL sans jamais plus revenir chez soi entre compatriotes. De même, alors que les gens ne cessent de vanter les joies de la virtualité, il semblerait que les lois françaises s'appliquent au monde virtuel. Du moins lorsque vous parlez en public. On aurait pu rêver d'une forme d'extra-territorialité de SL permettant à tout un chacun de s'exprimer, mais cela n'est pas le cas. Gaïa qui représente l'expression de la virtualité à la française est aussi fliquée et intolérante que la vraie vie, c'est 1984 mis au goût du jour.

Ainsi, lorsque l'on parle publiquement, on fait attention, au moins autant qu'ici dans la vraie vie. Alors, ne reste qu'à parler par IM, c'est à dire par messages privés. Vous avisez un avatar dont le profil vous plait, et vous le contactez directement sans que les autres membres présents n'entendent.

Sur Gaïa, on ne chuchote même plus, on se tait et on communique presque par télépathie. Tant et si bien que sur la place principale, c'est un monde de silence peuplé par des avatars immobiles. C'est aussi agréable qu'une messagerie classique. Au lieu de cliquer sur un pseudo, vous cliquez sur un avatar. C'est un bête chat en 3D.

Ce monde francophone est aussi peuplé des mêmes crétins qu'ici. On n'y échappe pas. Vous avez les analphabètes qui tentent de vous parler en langage SMS. Vous avez aussi de pathétiques artistes qui font la promotion de leurs galeries virtuelles bourrées de photos de leurs oeuvres grotesques, laides et insignifiantes. Et bien sur une kyrielle d'individus ayant érigé le n'importe quoi en règle absolue en imaginant qu'ils sont originaux. La seule différence, c'est que contrairement à la vraie vie, sur SL les artistes ne sont pas subventionnés.

Et puis, si vous dépassez une certaine heure, vous aurez le droit à la venue des racailles. Ce sont les mêmes que dans la vraie vie. Même leurs avatars leurs ressemblent, laids et bodybuildés, exprimant sans doute par là leurs énormes complexes. Attitudes agressives, musiques pénibles, propos à la limite de la compréhension rédigés en phonétique, ils viennent vous draguer lourdement. Il n'y a rien décidemment rien de virtuel.

Alors vous commencez à en avoir marre de Gaïa, et grâce aux quelques rencontres de qualité que vous avez faites, vous allez ailleurs. Vous entretenez votre anglais, votre allemand ou votre espagnol et vous visitez d'autres contrées. Et là, c'est parfois amusant. Je suppose que les plus assidus peuvent faire des rencontres étonnantes.

En réalité, SL ne se différencie pas vraiment du monde réel. L’on y retrouve, comme dans ce monde, le pire et le meilleur. Vous pouvez y rencontrer des gens d’une éducation déplorable ou parfois avoir des discussions passionantes sur une multitude de sujets. Et si l’on vous demande pourquoi vous vous connectez sur SL pour y rencontrez des gens alors que la chose peut se faire sans ordinateur, vous pourrez rétorquer que, par exemple, SL vous permet des échanges avec des gens qui vivent à New York, New Delhi ou Tokyo, chose bien difficile dans la vie courante, les distances étant ce qu’elles sont.

Voilà ce que j'ai trouvé sur SL. Un monde à peu près mort qui se donne l'illusion d'être virtuel. Finalement des êtres esseulés et curieux s'y donnent rendez-vous. Ils reviennent quelques fois et repartent généralement pour ne plus revenir si l'on en croit les statistiques. Quelques infographistes s'y amusent en créant des lieux parfois étonnants mais rien de plus.

On y trouve à vendre quantité de choses tant pour améliorer l'apparence de son avatar, que pour meubler sa maison. Parfois, certains articles sont gratuits et on les appelle des freebies. On peut y créer des groupes en fonction de ses affinités, quelles qu'elles soient, politiques, sexuelles, ou autres. J'y ai croisé des gothiques, des lesbiennes, une communauté d'adultes qui aiment vivre comme des enfants, des apprentis philosophes, etc. Tout y est possible même si je maintiens que cela n'a rien de virtuel.

SL c'est amusant quelques fois mais cela ne sert pas à grand chose sur le long terme. En tout cas, cela n'a rien de virtuel, ce n'est que l'extrapolation informatique d'une société bien réelle avec ses interdits et ses tabous. Et Gaïa, le coin français vous permet de vous assurer qu'aussi bien en réel qu'en virtuel, notre beau pays n'est plus grand chose.

En conclusion, l'endroit n'est pas désagréable. On peut y revenir quand on n'a rien à faire parce que cela permet de papoter sans sortir de chez soi. Quant à estimer que c'est une invention faramineuse, il faut avoir vingt ans et un QI d'huitre pour le croire.

1 commentaire:

Trists a dit…

Tenté par l'expérience SL, je n'ai pas encore eu le courage d'entrer visiter ce monde. Mais je retrouve dans votre description tout ce que je ne comprends pas sur les chats... On y viendrait pour discuter et se rencontrer, mais personne ne prend la parole en public. On sent quelques habitués qui se connaissent et s'apprécient mais n'ont aucune envie d'élargir leur cercle de connaissances. Faire une rencontre "intéressante" tient donc du quasi impossible... Mais étrangement ça arrive quelquefois ! Quelques égarés se reconnaissent. Mais que de temps perdu avant d'en arriver là !