samedi 23 février 2008

Soixante-deuxième message !


Dans mon message précédent, j'exposais bien naïvement des idées sans doute stupides concernant l'économie. Qu'une littéraire puisse ainsi discourir d'une chose aussi complexe que la science économique est révoltant non ? Mais puisque l'on a décidé de me donner une carte d'électrice avec les prérogatives qui vont avec, je suis bien obligée d'avoir des idées.

On pourrait me rétorquer que seuls les experts devraient pouvoir voter. Malheureusement, les experts que j'ai vu à l'oeuvre durant ces dernières années ne m'ont pas convaincue. J'en suis même venue à me dire que ma naïveté alliée à un solide bon sens valaient bien leur expertise. Je suis terriblement orgueilleuse à moins que je ne sois simplement stupide.

Laure ayant lu mon modeste billet a pris le temps de me répondre très longuement. J'ai bien sûr publié son commentaire. J'ai aussi lu et relu patiemment ce qu'elle m'écrivait. Je crois être d'accord avec elle.

Cependant lorsqu'elle m'explique :

"Concernant les licenciements, ce que les libéraux disent est qu'il n'existe pas de "droit au travail". Quand un emploi est créé, cela profite tant à l'employeur qu'à l'employé. L'employeur n'embauche pas pour faire plaisir au salarié. Pour autant, ça ne veut pas dire que l'employé puisse rester à vie (heureusement d'ailleurs, moi j'ai souvent changé d'employeur). Peut-on imaginer un monde où le salarié aurait le droit de quitter l'entreprise mais où le patron ne pourrait jamais se séparer d'un salarié ? Licencier est le droit absolu du patron. Et réciproquement, personnellement j'ai "licencié" beaucoup de mes patrons..."

Je suis certes d'accord avec elle. Toutefois, mon côté catho stupide qui confine parfois à la caricature me fait me poser des questions. Cette théorie si elle est valable pour les éléments les plus brillants de la société, l'est-elle pour les autres ?

Les individus dans leur immense majorité, et notamment lorsqu'ils sont affublés d'une famille, réclament une certaine sécurité. C'est d'ailleurs l'insécurité et les mauvais traitements infligés par le patronat du début de l'ère industrielle qui amorça les revendications amenant un droit du travail de plus en plus restrictif.

Ce sont les souvenirs de cette époque heureusement révolue qui maintiennent la population de salariés dans la crainte de l'insécurité. Cette insécurité révèle sans doute la crainte d'être "à la merci du patron".

C'est sans doute stupide pour un libéral mais c'est ainsi, cette crainte existe et ne repose pas sur du vent. Laure et moi, avons peut-être les moyens d'être libérales. Je ne la connais pas suffisamment pour parler d'elle.

En ce qui me concerne, je fais confiance à mon intelligence, à ma volonté et à mon sens de l'initiative pour ne jamais mourir de faim. Je pense qu'il me sera toujours possible de retomber sur mes pieds. Et encore, qu'en sais-je vraiment ? Serait-ce encore possible si j'avais dix ou quinze ans de plus ?

Oui sans doute puisque j'ai la chance d'avoir un patrimoine immobilier. Mais imaginons que j'aie cinquante ans, pas de patrimoine et que je perde mon emploi. Serais-je toujours aussi libérale ? Je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est qu'à cinquante ans, il est difficile de retrouver un emploi. Peut-être moi, aussi militerais-je alors pour une société qui me protège et ne me laisse pas mourir de faim.

C'est donc toujours la grande question qui me taraude. Certes l'état verrouille trop de choses, s'occupe souvent de ce qui ne le regarde pas. J'en suis consciente, le regrette et aimerais que cela change. Je réclame toujours plus de fluidité et moins d'administration.

Et pourtant, en observant certains drames qui se produisent autour de moi, je suis aussi consciente que la régulation est nécessaire. Parce que si une certaine forme de morale n'est pas imposée d'en haut, la seule loi du profit ne créera pas de richesses, sauf pour quelques uns. Pour les autres, ce sera le bagne.

On m'objectera que les américains ont réussi. Je ne crois pas que les Etats-Unis soient un pays libéral, même s'il y a sans doute moins de contraintes là-bas. Il y a aussi des gens ayant deux emplois pour survivre. La seule chose qui me plaise dans ce grand pays, c'est que dès que l'on y est on se met à penser que tout est possible. Je pense que cette perspective marche à la manière d'un opium permettant d'endurer les rigueurs de la vie.

Finalement, je reste persuadée que l'absence de moralité est la clé de toute réforme. Tant ceux qui s'affirment libéraux n'auront pas prouvé qu'ils ont le souci d'autrui, ils seront perçus comme des prédateurs. Avant d'être une salariée, un simple agent économique, un individu est un être humain capable de souffrir. Moi je ne l'oublie jamais. C'est peut-être mon tort.

On pourra me reprocher d'être humaniste ou au pire me taxer de gauchisme. Peut-être que c'est encore pire ? Et si j'avais une perspective féodale des rapports humains, dans laquelle de bons et nobles seigneurs prendraient soin des gueux ?

Non, peut-être ai-je simplement des idées simplistes de dame de charité. Tant pis, c'est très bien vu dans mon quartier.

4 commentaires:

Laure Allibert a dit…

Tes idées ne sont pas stupides, et tes questions sont légitimes. La "science économique" n'est pas une science (si on en croit Popper). On peut aborder l'économie avec du simple bon sens, la chose au monde la mieux partagée, paraît-il.

"Les individus réclament une certaine sécurité" : tout le monde réclame de la sécurité, mais qui peut la fournir de façon absolue ? Personne. L'employé peut être licencé, le patron peut faire faillite. Une sécurité imposée s'obtient toujours au détriment de quelqu'un d'autre (par exemple le SMIC est un facteur de chômage, de même le code du travail dans son ensemble : on voit les "bénéfices" supposés de ces dispositions, on voit moins le chômage qu'elles créent).

Une des avancées importantes pour apporter cette sécurité que les gens recherchent a été les assurances : assurance-chômage, maladie, vieillesse, etc. L'Etat en fin de compte joue le rôle d'un super-assureur, mais avec tous les défauts d'un monopole, et avec de plus un arbitraire politique qui va satisfaire ceux qui gueulent le plus fort aux dépens des autres.

La "loi du profit" crée des richesses, et pas seulement pour quelques uns. Le riche est bien obligé de dépenser son argent, et ce faisant il fait vivre des tas d'entreprises (et pas que les trucs bling-bling à la Sarkozy). Les gens sont souvent focalisés sur les différences de revenu et de richesse, alors que l'important c'est que le niveau de vie augmente et qu'il y ait moins de pauvres, peu importe les différences de revenus ou les "nouveaux riches" que cela suscite. A lire cet article : richesse.

Les libéraux ont le souci d'autrui, ils n'ont pas à le prouver. Tous les bons sentiments des collectivistes n'aboutissent qu'à un appauvrissement généralisé : s'il suffisait de prendre aux riches pour donner aux pauvres pour régler tous nos problèmes, ça se saurait. Le résultat du collectivisme est toujours une nomenklatura qui s'enrichit sur le dos des gens alors qu'elle n'a aucune légitimité et ne rend aucun service à la société. En France, ça s'appelle l'énarchie, qui a même réussi à conquérir une part du secteur privé.

La perspective féodale des rapports humains, c'est celle de l'Etat actuel. Si des bons et nobles seigneurs peuvent prendre soin des gueux, c'est qu'ils tirent leur richesse du travail des autres, par l'impôt. Le résultat est que les gueux resteront toujours des gueux et ne pourront pas sortir de leur condition. C'est le rêve du politicien ; s'il n'avait plus d'argent à redistribuer, comment justifierait-il son existence ?

Certes, il y a des gens qui ne pourront jamais s'assumer. Mais quelle proportion de la population cela représente-t-il ? Ils peuvent très bien être pris en charge par des dispositifs purement libéraux : assurances, mutuelles, solidarité privée, fondations, etc. L'Etat a nationalisé la solidarité, le résultat c'est de plus en plus de SDFs et de pauvres. Comme je dis souvent, s'il avait nationalisé l'alimentation, on mourrait tous de faim. Une grande phrase de Bastiat : "Il ne faut pas que le peuple s'attende à ce que l'Etat le fasse vivre puisque c'est lui qui fait vivre l'Etat".

El Gringo a dit…

RMIste de 48 ans, je suis prêt à rentrer dans n'importe quelle entreprise pour un salaire minime car j'ai la prétention de croire que cette entreprise comprendrait vite qu'elle aurait plus à perdre qu'à gagner en ne me retenant pas en son sein et si tel n'était pas le cas, il serait de mon intérêt de ne pas rester dans une boite ne sachant pas valoriser ses éléments dynamiques.
D'autre part, n'étant plus un jeune homme, je consacrerais une partie de ce salaire à m'assurer contre les conséquences d'une éventuelle maladie.
Seulement voilà, j'ai la "chance" de vivre dans une société qui me protège et ne me laisse pas mourir de faim en me donnant un peu moins de 400 €uros par mois pour ne rien faire.
La contribution Delalande est passée par là et je confirme bien volontiers qu'à cinquante ans, il est difficile de retrouver un emploi.

Seule la loi du profit peut créer des richesses, pour tous. Le bagne, je suis déjà dedans, il s'appelle RMI.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Contribution_Delalande

philippe psy a dit…

chère Anna,

Vous écrivez bien. Je me suis régalé à vous lire. Abordant honnêtement un sujet que vous admettez ne pas maitriser, j'aime la manière dont vous réfléchissez.

C'est frais, fluide et plein de bon sens même si comme mes petits camarades, j'estime que vous pourriez aller plus loin dans la réflexion.

Je reste cependant un lecteur fidèle de votre blog.

Anonyme a dit…

Je comprends votre pensee sur ceux qui ne peuvent pas s'assumer.

Sont ils aussi nombreux que l'on veut bien nous faire croire ? Je ne le pense pas. Une chose est par contre certaine, rien ne vous empeche de contribuer ou d'aider, sauf que l'etat vous prend votre argent, et donc votre temps, pour le faire a votre place.

Et le fait mal.

N'oublions pas que la societe donne l'education gratuite a tout le monde (la aussi, ca pourrait etre ameliorer, genre modele suedois). Libre a chacun d'en profiter ou non.

Encore une fois, le liberalisme ne signifie pas la loi de la jungle, loin de la. Peut etre faudrait il commencer par comprendre cela.